Témoignage d'Anne-Elisabeth, "ma 1ère hospitalisation"
« C’était le 24 Août 1998, jour de la date anniversaire du décès de mon père, à Paris, j’avais 31 ans.
J’étais assistante de direction, j’avais tout mon avenir devant moi. J’étais seule car tous mes proches étaient partis en vacances. C’était mon dernier jour de travail. Je ne dormais plus depuis 15 jours, ni ne faisais le ménage. Les objets avaient gagné sur moi. Ma chambre était un véritable capharnaüm. Ce matin-là, il régnait une atmosphère pesante et lourde. Une triste rumeur courait dans tous les étages. Notre chef de service se serait donné la mort. Je ne me sentais pas bien du tout. Vers 11h00 la rumeur s’est confirmée. Je suis devenu aussi blanche que mon chemisier. Tout tournoyait autour de moi. J’étais très proche de l’évanouissement. Et dans ma tête trottait cette même idée récurrente : je suis malade dans ma tête et je ne fais rien pour moi, je serai la prochaine sur la liste.
Mes collègues pressentant mon grand mal-être m’ont dit de descendre immédiatement à l’infirmerie du travail. J’étais pitoyable, je pleurais et riais en même temps. J’ai quand même trouvé je ne sais pas où, le courage de lui dire que j’étais dépressive ou peut-être même malade dans ma tête. Elle m’a donné un médicament et m’a dit de me reposer. C’était le tout premier soin psychiatrique que je recevais.
Elle est revenue me voir une heure plus tard pour me prévenir qu’un taxi allait venir me chercher pour me reconduire chez moi et que SOS PSYCHIATRES m’attendrait à la maison. Dans ma tête j’étais un peu plus soulagée, je l’ai remercié pour tout ce qu’elle avait fait pour moi. Je suis montée dans le taxi. Je ne me souviens plus de rien, même pas de ce que j’ai raconté au psychiatre qui m’attendait à la maison sauf une seule chose, j’étais persuadée que j’étais malade dans ma tête et que j’avais absolument besoin d’une aide d’ordre psychiatrique. Ce bon psychiatre m’a écouté pendant 1h30 puis il a rédigé un courrier à l’attention d’un confrère préconisant mon entrée volontaire dans une unité psychiatrique. Je l’ai vivement remercié, j’étais déjà un peu plus sereine. Ça m’avait fait du bien. Je suis remontée dans un taxi avec le fameux courrier en direction du centre, pleine d’Espoir. Je suis arrivée aux urgences psychiatriques où l’on m’a dit de m’asseoir et d’attendre mon tour. J’ai attendu 3h. Personne ne m’a rien dit. L’interne en psychiatrie m’a enfin appelé, elle a lu le courrier de son confrère, m’a posé quelques questions. Vu de l’extérieur, je paraissais bien, mais à l’intérieur de moi-même c’était l’abysse, le trou noir total. Elle ne s’est pas aperçue de la détresse profonde et insondable dans laquelle j’étais à ce moment-là. Elle m’a dit de rentrer chez moi.
Il était plus de 20h00 un vendredi soir à Paris. J’ai repris un taxi pour rentrer chez moi. Là j’ai sombré dans le désespoir le plus total. Puis, une idée m’est venue, peut-être que ma psychothérapeute, pourrait m’aider. Je saisissais mon téléphone et composait fébrilement son numéro en implorant le ciel pour qu’elle soit chez elle. Au bout de quelques sonneries, enfin quelqu’un au bout de la ligne, j’étais sauvée. Je lui expliquais ma périlleuse situation. Elle me donnait rendez-vous à 8h dans son cabinet le lendemain. Puis elle me suggéra de dormir. Ce que je fis. Le lendemain, elle me fit allonger sur son divan et m’écouta longuement et très attentivement. Elle était empathique. Elle me dit qu’elle allait contacter mon généraliste, afin de m’obtenir un rendez-vous avec lui. Il m’a donné rendez-vous à son tour, à son cabinet. Je sonnais à sa porte. Il m’ouvrit chaleureusement, me fit entrer et asseoir confortablement. Je lui racontais ce qui m’étais arrivé la veille puis lui donnais à lire le courrier que son confrère avait rédigé. J’ai vu son visage changer sous le coup de la colère, lui qui était si calme d’habitude. Il était méconnaissable. Il me dit que pour lui, il y avait eu non-assistance à personne en danger.
Il décrocha son téléphone et demanda à parler d’urgence à l’interne en psychiatrie qui m’avait reçu la veille. Il lui passa un véritable savon ! Il raccrocha puis me dit que maintenant j’allais pouvoir intégrer le centre sans problème selon mon souhait. Je le remerciais vivement et lui dis combien j’étais soulagée. Je lui serrais chaleureusement la main puis il me souhaita bonne chance.
Je remontais à nouveau dans un taxi, direction les urgences psychiatriques. Inutile de vous dire que cette fois-ci j’ai été accueillie à bras ouverts. On me conduisait dans une chambre de la partie généraliste de l’hôpital où personne ne vint s’occuper de moi. Je trouvais cela intolérable.
Je passais une nuit blanche et vers 10h00 l’on vint me chercher en fauteuil roulant pour me conduire dans l’unité dédiée. Je trouvais cela très humiliant. Nous arrivâmes à la porte de l’unité qui était fermée à clé et c’est là que je me suis mise à pleurer car dans ma tête j’entrais dans le monde des fous. En même temps j’étais soulagée car c’était moi qui l’avais souhaitée. Ainsi se fit ma première hospitalisation.
Heureusement j’ai eu la grande chance de rencontrer plus de bons professionnels très empathiques que de mauvais. Ils m’ont sauvé la vie et m’ont donné la force de me battre contre ma maladie psychique : la bipolarité ainsi que la résilience.
Je ne les remercierai jamais assez. »
Annéli